
Plus qu’un exploit technique, les cracktros ne se limitèrent pas à être un maximum d’effets visuels et sonores en un minimum d’octets. Beaucoup les ont élevées au niveau d’art. Pour preuve combien de fois êtes-vous tombé sur un jeu nul précédé d’une excellente crack intro ? Et pire ! Conserver la disquette juste pour continuer à profiter de cette dernière !
Le coder d’intro est un animal particulier car s’il programme en un minimum de place c’est avant tout parce qu’il aime ça ! Il n’hésite pas à passer plusieurs nuits blanches à peaufiner ses micros routines dans le but d’aller toujours plus vite, plus loin, plus mieux et bien : c’est le dépassement de soi. Et souvent à force de ténacité et d’obstination l’impossible devint réalité, un coder d’intro est avant tout un acharné !
Et c’est dans cette catégorie qu’Anthony œuvra au sein du groupe Delight connu pour quelques cracktros qui grincèrent dans vos lecteurs. Petite discussion sur un temps où les termes trainers et dentros étaient signifiants.
Pourrais-tu te présenter auprès de nos lecteurs, tout en gardant une dose de mystère autour de ton personnage.
Anthony dit « Paranormal », quand j’y repense je ne me souviens même plus comment on avait trouvé nos pseudos ! Nous étions trois copains de lycée, chacun un Amiga 500 sous le bras, forcément on s’est vite rapprochés et on n’a plus lâché la machine.
Il faut dire qu’à l’époque, et toujours, l’Amiga était tellement envoûtant. Ses GFX au-dessus du lot et surtout ce son, quel son ! C’est d’ailleurs super intéressant de regarder le parcours de Glenn Keller, le « papa » de Paula (chip son de l’Amiga).
Préfères-tu les sprites ou la 3D ?
La 3D bien sûr :). Je me souviens d’une des premières démos que j’ai vues, une démo de Wild Copper, déjà un son au top et dans une des parties de la 3D filaire sur fond de star field 3D… révélation !
C’est ce que je voulais faire ! Sauf que nous étions au début de notre classe de 2nd à l’époque et nous n’avions pas toutes les connaissances requises en maths.
C’était un bon moteur d’apprentissage, projection 3D => 2D, matrice de rotation, algèbre de bool pour le Blitter, courbes de Lissajous etc. On était insatiable.
Comment as-tu rejoins Delight et était-ce ton premier groupe ?
Avant Delight on est passé par Sphinx (un groupe suisse si je me souviens bien, mais je t’avoue que c’est flou) on faisait des demo-pack, puis on a rejoint Iris un groupe plus près de chez nous.
Pour Delight je crois que nous avions été contacté par Thanatos et surtout Voyce qui était super actif et très motivé.
On avait beaucoup beaucoup de bouts de code, de petites intros, car ça faisait déjà deux ou trois ans que nous codions et on y passions tout notre temps…d’ailleurs on a dû realiser (utiliser) moins de 5 % de ce que nous avions codé, toutes ces sources sont sûrement perdues… Quel dommage.
Voyce nous a proposé d’en faire quelque chose, on lui a passé du code et je pense qu’il a tout mis ensemble et finalisé tout ça. De notre côté, nous étions un peu sur la fin, le bac approchait, et on s’éloignait doucement un peu de ce monde.
Parles nous de ton implication avec Iris jusqu’en 1992
Iris, je crois que c’était des gars de la même région que nous. Il y avait une grosse demo-copy party fin 91 en région Parisienne et c’est parti de là. On a fait une petite intro à la copy party, ensuite je ne me souviens plus trop.
Participais-tu souvent aux coding party ?
On en a fait deux, peut être trois si je me souviens bien. Pas grand-chose au final, mais de sacrés souvenirs.
Quel fut ton rôle au sein de Delight ?
Nous étions deux coders qui codaient pour s’amuser et on n’en faisait pas grand-chose. On touchait à tous les effets qui se faisaient à cette période, on cherchait vraiment les limites de la machine : genre effacer des bouts d’écran avec le lecteur de disquette pour gagner du temps :))
Mais question d’organiser tout ça en jolies démos bien ficelées, les distribuer… on était nul pour ça, Delight a fait ça pour nous.
Habituellement ce petit monde de la crack intro communiquait via BBS, pour vous c’était plus du système D ?
Oui pas de BBS pour nous, des annonces dans les magazines, et beaucoup de courrier. On avait un copain qui s’occupait de ça, au bout de quelques temps il avait un carnet d’adresse bien rempli.
Avais-tu des contacts réguliers avec les autres groupes de la demo scene Amiga?
Peu, on était comme un petit groupe local, sans nom, on était 4 de la même ville, 2 coders, un musicien et un spreader, et on faisait de la tambouille Amiga à notre sauce.
Autant la demo scene nous passionnait, autant on restait quand même un peu décalé. Nous étions peut-être aussi un peu plus jeunes, entre 14 et 16 ans et c’est le moment où on devait être les plus actifs.
En 91 on est allé à la party organisée par Iris et effectivement on s’est senti un peu « tout petit ».
Comment s’est achevée l’aventure de Delight.
Après le bac on n’avait plus assez de temps pour nous, la prépa, la fac etc…
Pour le groupe Delight je ne sais pas trop, je pense qu’ils ont continué un moment, il y avait une bonne base dans ce groupe. Puis bien sûr… la fin de Commodore et l’ère du PC.
As-tu conservé des contacts avec certains d’entre eux ?
Oui je suis toujours en contacts avec mon acolyte coder des premiers jours, on a même pu réaliser un rêve de lycée vu que l’on a bossé ensemble plus de 10 ans dans la même boite d’info. Le plus marrant c’est que l’on s’est retrouvé à bosser chez Scala Inc qui faisait des softs multimédias pour l’Amiga avec beaucoup d’anciens de chez Commodore : Gerard Bucas, Peter Cherna, Darren Greenwald etc…
Quand nous ado nous faisions des démos, eux bossaient sur l’OS de l’Amiga. Les retrouver plusieurs années après et travailler avec eux fut vraiment spécial, c’était un peu comme des grands frères. C’était une vraie chance d’avoir pu être à leurs contacts, ces personnes sont une mine de savoir et ils nous ont beaucoup appris.
Tu as également adapté sur PC le jeu Public Domain « Mayhem », un gravity game qui fut remarqué en son temps.
Mayhem a été codé sur Amiga par Espen Skoglund (http://hol.abime.net/3853), c’est un jeu sur lequel on a passé des nuits entières :D, je crois qu’il était distribué via le même réseau que les démos.
On aimait tellement ce jeu qu’on a refait une version PC (https://github.com/devpack/mayhem), très fidèle à l’original, le game play était vraiment le même à 95 %. Récemment il a été repris et porté sur le Raspberry Pi (par Martin O’Hanlon) avec même l’ajout de nouveaux levels, incroyable.
Tu as d’autres projets en cours ?
Toujours des bouts de code pour apprendre les nouvelles technos, mais rien d’abouti au final. Le code est devenu mon métier mais j’aimerais recoder en rapport avec l’Amiga, probablement quelque chose plus orienté HW et électronique. Quand je vois ce qui sort en ce moment coté cartes pour l’Amiga, Apollo, Individual Computers etc. j’avoue que ça me fascine.
Bosser dans le monde du jeu vidéo m’attire, je suis ouvert à toutes propositions dans ce domaine :)
Et du côté professionnel ?
J’ai continué en maths-physique, puis en informatique. Je faisais de la recherche en IA, je travaillais sur le génome, puis sur la modélisation de réseaux de neurones et biomimétisme. Ensuite faute de financement je suis passé dans le privé comme ingé R&D.
Quels souvenirs conserves-tu de ta période Amiga?
Les parties de Mayhem, Kick Off, Lotus etc. avec les copains ça reste mythique.
Les soirées de code, pas d’internet, pas de BBS, quand ça ne marche pas faut relire la doc, les bouquins, c’est la galère :)
Les coding party où tu piques discrètement les sources d’un groupe de démo, un coup de X-Copy et hop ni vu ni connu…et les timbres collés par le spreader pour la récup’
Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette machine ?
Je pense que comme pour beaucoup l’Amiga représente une période mêlée et indissociable de l’adolescence. Du coup tout est exacerbé. Ce monde des demos est assez difficile à expliquer à quelqu’un qui n’a pas vécu la même chose, c’est surement la même chose à d’autres époques et dans d’autres domaines ; Celui-ci était le nôtre et nous a construit.
Il y avait un sentiment de liberté énorme; Relancez une démo et on y replonge instantanément ! Il y a comme un pont entre les époques, c’est là qu’on se rend compte de la force de ce qu’on a vécu.
Le dernier mot :
Greetings à tous bien sur ;) !
Propos recueillis par Alex Menchi
Interview – Anthony aka Paranormal du groupe Delight
Le coder d’intro est un animal particulier car s’il programme en un minimum de place c’est avant tout parce qu’il aime ça ! Il n’hésite pas à passer plusieurs nuits blanches à peaufiner ses micros routines dans le but d’aller toujours plus vite, plus loin, plus mieux et bien : c’est le dépassement de soi. Et souvent à force de ténacité et d’obstination l’impossible devint réalité, un coder d’intro est avant tout un acharné !
Et c’est dans cette catégorie qu’Anthony œuvra au sein du groupe Delight connu pour quelques cracktros qui grincèrent dans vos lecteurs. Petite discussion sur un temps où les termes trainers et dentros étaient signifiants.
Pourrais-tu te présenter auprès de nos lecteurs, tout en gardant une dose de mystère autour de ton personnage.
Anthony dit « Paranormal », quand j’y repense je ne me souviens même plus comment on avait trouvé nos pseudos ! Nous étions trois copains de lycée, chacun un Amiga 500 sous le bras, forcément on s’est vite rapprochés et on n’a plus lâché la machine.
Il faut dire qu’à l’époque, et toujours, l’Amiga était tellement envoûtant. Ses GFX au-dessus du lot et surtout ce son, quel son ! C’est d’ailleurs super intéressant de regarder le parcours de Glenn Keller, le « papa » de Paula (chip son de l’Amiga).
Préfères-tu les sprites ou la 3D ?
La 3D bien sûr :). Je me souviens d’une des premières démos que j’ai vues, une démo de Wild Copper, déjà un son au top et dans une des parties de la 3D filaire sur fond de star field 3D… révélation !
C’est ce que je voulais faire ! Sauf que nous étions au début de notre classe de 2nd à l’époque et nous n’avions pas toutes les connaissances requises en maths.
C’était un bon moteur d’apprentissage, projection 3D => 2D, matrice de rotation, algèbre de bool pour le Blitter, courbes de Lissajous etc. On était insatiable.
Comment as-tu rejoins Delight et était-ce ton premier groupe ?
Avant Delight on est passé par Sphinx (un groupe suisse si je me souviens bien, mais je t’avoue que c’est flou) on faisait des demo-pack, puis on a rejoint Iris un groupe plus près de chez nous.
Pour Delight je crois que nous avions été contacté par Thanatos et surtout Voyce qui était super actif et très motivé.
On avait beaucoup beaucoup de bouts de code, de petites intros, car ça faisait déjà deux ou trois ans que nous codions et on y passions tout notre temps…d’ailleurs on a dû realiser (utiliser) moins de 5 % de ce que nous avions codé, toutes ces sources sont sûrement perdues… Quel dommage.
Voyce nous a proposé d’en faire quelque chose, on lui a passé du code et je pense qu’il a tout mis ensemble et finalisé tout ça. De notre côté, nous étions un peu sur la fin, le bac approchait, et on s’éloignait doucement un peu de ce monde.
Parles nous de ton implication avec Iris jusqu’en 1992
Iris, je crois que c’était des gars de la même région que nous. Il y avait une grosse demo-copy party fin 91 en région Parisienne et c’est parti de là. On a fait une petite intro à la copy party, ensuite je ne me souviens plus trop.
Participais-tu souvent aux coding party ?
On en a fait deux, peut être trois si je me souviens bien. Pas grand-chose au final, mais de sacrés souvenirs.
Quel fut ton rôle au sein de Delight ?
Nous étions deux coders qui codaient pour s’amuser et on n’en faisait pas grand-chose. On touchait à tous les effets qui se faisaient à cette période, on cherchait vraiment les limites de la machine : genre effacer des bouts d’écran avec le lecteur de disquette pour gagner du temps :))
Mais question d’organiser tout ça en jolies démos bien ficelées, les distribuer… on était nul pour ça, Delight a fait ça pour nous.
Habituellement ce petit monde de la crack intro communiquait via BBS, pour vous c’était plus du système D ?
Oui pas de BBS pour nous, des annonces dans les magazines, et beaucoup de courrier. On avait un copain qui s’occupait de ça, au bout de quelques temps il avait un carnet d’adresse bien rempli.
Avais-tu des contacts réguliers avec les autres groupes de la demo scene Amiga?
Peu, on était comme un petit groupe local, sans nom, on était 4 de la même ville, 2 coders, un musicien et un spreader, et on faisait de la tambouille Amiga à notre sauce.
Autant la demo scene nous passionnait, autant on restait quand même un peu décalé. Nous étions peut-être aussi un peu plus jeunes, entre 14 et 16 ans et c’est le moment où on devait être les plus actifs.
En 91 on est allé à la party organisée par Iris et effectivement on s’est senti un peu « tout petit ».
Comment s’est achevée l’aventure de Delight.
Après le bac on n’avait plus assez de temps pour nous, la prépa, la fac etc…
Pour le groupe Delight je ne sais pas trop, je pense qu’ils ont continué un moment, il y avait une bonne base dans ce groupe. Puis bien sûr… la fin de Commodore et l’ère du PC.
As-tu conservé des contacts avec certains d’entre eux ?
Oui je suis toujours en contacts avec mon acolyte coder des premiers jours, on a même pu réaliser un rêve de lycée vu que l’on a bossé ensemble plus de 10 ans dans la même boite d’info. Le plus marrant c’est que l’on s’est retrouvé à bosser chez Scala Inc qui faisait des softs multimédias pour l’Amiga avec beaucoup d’anciens de chez Commodore : Gerard Bucas, Peter Cherna, Darren Greenwald etc…
Quand nous ado nous faisions des démos, eux bossaient sur l’OS de l’Amiga. Les retrouver plusieurs années après et travailler avec eux fut vraiment spécial, c’était un peu comme des grands frères. C’était une vraie chance d’avoir pu être à leurs contacts, ces personnes sont une mine de savoir et ils nous ont beaucoup appris.
Tu as également adapté sur PC le jeu Public Domain « Mayhem », un gravity game qui fut remarqué en son temps.
Mayhem a été codé sur Amiga par Espen Skoglund (http://hol.abime.net/3853), c’est un jeu sur lequel on a passé des nuits entières :D, je crois qu’il était distribué via le même réseau que les démos.
On aimait tellement ce jeu qu’on a refait une version PC (https://github.com/devpack/mayhem), très fidèle à l’original, le game play était vraiment le même à 95 %. Récemment il a été repris et porté sur le Raspberry Pi (par Martin O’Hanlon) avec même l’ajout de nouveaux levels, incroyable.
Tu as d’autres projets en cours ?
Toujours des bouts de code pour apprendre les nouvelles technos, mais rien d’abouti au final. Le code est devenu mon métier mais j’aimerais recoder en rapport avec l’Amiga, probablement quelque chose plus orienté HW et électronique. Quand je vois ce qui sort en ce moment coté cartes pour l’Amiga, Apollo, Individual Computers etc. j’avoue que ça me fascine.
Bosser dans le monde du jeu vidéo m’attire, je suis ouvert à toutes propositions dans ce domaine :)
Et du côté professionnel ?
J’ai continué en maths-physique, puis en informatique. Je faisais de la recherche en IA, je travaillais sur le génome, puis sur la modélisation de réseaux de neurones et biomimétisme. Ensuite faute de financement je suis passé dans le privé comme ingé R&D.
Quels souvenirs conserves-tu de ta période Amiga?
Les parties de Mayhem, Kick Off, Lotus etc. avec les copains ça reste mythique.
Les soirées de code, pas d’internet, pas de BBS, quand ça ne marche pas faut relire la doc, les bouquins, c’est la galère :)
Les coding party où tu piques discrètement les sources d’un groupe de démo, un coup de X-Copy et hop ni vu ni connu…et les timbres collés par le spreader pour la récup’
Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette machine ?
Je pense que comme pour beaucoup l’Amiga représente une période mêlée et indissociable de l’adolescence. Du coup tout est exacerbé. Ce monde des demos est assez difficile à expliquer à quelqu’un qui n’a pas vécu la même chose, c’est surement la même chose à d’autres époques et dans d’autres domaines ; Celui-ci était le nôtre et nous a construit.
Il y avait un sentiment de liberté énorme; Relancez une démo et on y replonge instantanément ! Il y a comme un pont entre les époques, c’est là qu’on se rend compte de la force de ce qu’on a vécu.
Le dernier mot :
Greetings à tous bien sur ;) !
Propos recueillis par Alex Menchi
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